Merci pour vos étoiles!
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Michel Babillot* est professeur de philosophie côté ville et comédien côté scène. Sur les planches, c’est un homme caméléon, un instant vieillard, sage et espiègle, l’instant d’après, petite fille, malade et lucide. A la fois cocasse et grave, il parle de tout sur scène. La maladie, le handicap, la fin de vie… Rien ne saurait être tabou dit avec le recul nécessaire. Entretien avec un homme qui aime à toucher le cœur du spectateur pour délier la parole…

Un professeur de philo qui monte sur scène, ce n’est pas courant ?

Je cherchais à faire sortir de moi des choses intimes, sensibles et subtiles. Le théâtre s’est imposé comme mon mode d’expression à moi. Si je n’avais plus aujourd’hui cette activité qui remplit la moitié de ma vie, je ne sais pas comment je le vivrais. C’est un excellent outil de connaissance de soi. On apprend à s’ouvrir aux autres et on travaille sa présence à soi-même, aux autres et au monde en général. La présence, c’est une chose qui fait un peu défaut dans notre société. C’est parfois plus facile d’être absent aux autres…

Les thèmes abordés dans vos spectacles sont des thèmes sensibles : la fin de vie, le handicap, la dépendance. C’est un parti pris ?

Oui et non. Quand j’écris mes textes, c’est vrai que je cherche à titiller notre humanité de près. C’est vrai aussi que les personnes fragiles m’intéressent davantage car elles sont obligées d’aller chercher au fond d’elles-mêmes les ressources pour dépasser leur fragilité. D’ailleurs, les personnes fortes existent-elles ? Je n’en suis pas sûr. On est juste plus ou moins fort pour donner le change… Mais revenons aux spectacles et à leur thème. « Le temps du départ » est en fait une commande de l’association Jalmalv** pour essayer de sensibiliser un public plus large. J’avoue que j’ai hésité à répondre favorablement à cette commande car à cette époque, je n’avais jamais accompagné de personne en fin de vie, je manquais de vécu. Alors, j’ai eu l’idée de collecter des témoignages de personnes ayant ce vécu et j’ai puisé dans le carnet d’adresses de Jalmalv pour rencontrer des accompagnants bénévoles, des soignants et des personnes âgées ; assez peu d’aidants familiaux, probablement parce qu’il leur est plus douloureux de témoigner. J’ai repris cette démarche de collectage pour deux autres spectacles, l’un sur le handicap, l’autre sur la dépendance des personnes âgées mais ce dernier spectacle, je le joue avec un partenaire.

Parlez-nous de ces spectacles…

Pour tous ces spectacles, j’ai toujours eu en tête une phrase dite par une animatrice avec qui j’ai travaillé. La voici : « l’humour, c’est ce qui évite que ça attache ». Tout devient dramatique sans recul, a fortiori les situations de vie douloureuses. Le rire permet d’alléger les plus lourds fardeaux. On ne peut pas rire de tout et, pourtant, Benigni dans « La vie est belle » a pris le parti de traiter avec légèreté un des événements les plus dramatiques du siècle dernier. Sur le thème du handicap, le film « Intouchable » a touché un large public grâce à l’humour présent tout au long du film. L’humour c’est aussi un moyen de faire changer les regards. Dans mon spectacle « T’as vu comment il est ou la voie du crapaud », je m’appuie bien sûr sur les contes de fées et la symbolique du crapaud qui se métamorphose à condition d’être aimé. C’est toute une réflexion sur le regard qui élève ou le regard qui tue que j’aborde là. Ces différents regards sont un sacré défi pour les personnes porteuses d’un handicap et leur entourage…

L’humour est thérapeutique ?

Oui, j’en suis certain mais il n’est pas donné à la naissance. Dans « Aidez-moi un peu, beaucoup, pas trop », sur l’entrée en dépendance, on suit quatre personnes âgées et leur entourage. L’une des quatre histoires est celle d’Albert qu’une auxiliaire de vie va aider en sollicitant son sens de l’humour. On s’offre de sacrés espaces de liberté grâce à l’humour et au jeu en général. Beaucoup de personnes rejouent avec l’âge. C’est vivifiant le jeu !

Vous parliez du regard de l’autre… Quel regard le public a-t-il pu porter sur votre spectacle sur la fin de vie ?

Le regard est souvent le reflet de ce que vivent les personnes. Des parents, parfois, se sentent agressés par le passage où je parle de ces adultes qui, face à la maladie de leurs enfants, « font semblant d’être gais quand ils sont tristes », n’expriment pas de colère et de fait n’en donnent pas la possibilité à leurs enfants… Pourtant, le message est essentiel : en faisant semblant, la relation est faussée et on ne peut rien vivre de vrai à l’intérieur de cette relation. On perd le contact à jouer de faux sentiments. C’est une forme de politesse du désespoir qui ne mène à rien. C’est si difficile à assumer ce rôle de proche aidant… Dans le public, il y a des yeux qui se baissent, d’autres qui s’allument. Et des histoires derrière ces yeux… Une institutrice qui peu de temps après le spectacle où il est question, entre autres, de l’importance du contact tactile pour les personnes âgées et les malades, est allée voir sa mère pour la toucher, la caresser, ce qu’elle n’avait jamais fait ; une dame d’un certain âge qui a décidé de retourner voir le spectacle avec sa mère, sa fille et sa petite fille et qui confie que cela a été le point de départ d’échanges très riches entre les 4 générations … Le théâtre est un formidable médiateur qui peut débloquer la parole au sein d’un couple, d’une famille. Si on jouait plus la colère, on le serait moins, en colère…

Et le regard de l’autre sur la différence, a-t-il changé d’après vous ?

Si on voit sortir des films, c’est bon signe non ? Je me souviens d’un documentaire de Tony Lainé, « L’amour en France » je crois, que j’étais allé voir au ciné il y a quelques années. La dernière séquence était consacrée à l’amour entre personnes handicapées. La moitié de la salle était partie quand elle avait réalisé qu’il allait être question de personnes handicapées. On ne verrait plus ça aujourd’hui, je pense. J’ai un autre exemple, raconté par un éducateur d’un centre pour enfants polyhandicapés. Cela se passe à la fin des années 70. Le centre organise la première sortie à la mer. Quand les enfants sont arrivés sur la plage, ils ont malheureusement entendu des remarques monstrueuses. On n’entendrait plus ça aujourd’hui, je pense. Les gens commencent à comprendre, pas assez vite probablement, qu’une personne ne se résume pas à son handicap. Quel plus bel exemple que celui de Petrucciani…

Un des plus grands du haut de ses 99 centimètres de fragilité. C’est à cette fragilité faite homme, femme ou enfant que Michel Babillot s’attache, avec humour !

Découvrez les spectacles de Michel Babillot sur le site de la Compagnie Ophélie : https://compagnie.ophelie.free.fr/
Fédération Jalmalv : https://www.jalmalv.org/

Propos recueillis par Nathalie Cuvelier, Webinage

4 commentaires

  1. Eberlin Danielle 8 mai 2013 à 15 h 14 min - Reply

    Monsieur , je représente la SAT (société des amis du théâtre) et nous sommes à la recherche d’un spectacle tout public pour le temps de contes et compagnies en association avec le territoire de Belfort et Jura Suisse.(début et mi-octobre 2013)
    J’ai lu un article sur votre spectacle T’as vu comment il est ou la voie du crapaud. et j’ai besoin de savoir: si vous êtes disponible durant cette période, quels sont vos besoin de salle (nous avons une petite salle de 70 spectateurs) quel est votre honoraire, quel besoin de lumière etc…
    Quel spectacle vous pourriez nous proposer ? Tout public .
    Dans l’attente de votre réponse recevez mes salutations printanières.
    Danielle Eberlin
    Je vais essayer de trouver votre adresse mail ! J’ai besoin d’infos pour le 14 mai.

  2. Pioche Suzanne 10 novembre 2014 à 9 h 31 min - Reply

    Nous avons beaucoup aimé votre spectacle donné à Aurillac la semaine dernière. Bravo et un grand merci!!
    Comment pourrions-nous nous procurer le texte?

  3. Deschodt 30 novembre 2014 à 20 h 47 min - Reply

    J’ai assiste au spectacle a Lambersart…..superbe,,émouvant, drôle j’ai eu les larmes aux yeux d’émotion et j’ai pleuré de rire…vision finé pleine d’humour…bravo à ce comédien….

  4. vialan 30 octobre 2015 à 21 h 56 min - Reply

    Lavaur le 16 octobre:j’ai bcp apprécié les scenettes pleines de verité et de réalisme :les visages et les corps se transformant au gré des situations de viellesse et de handicap:digne de tres grands acteurs:bravo;revenez svp…et encore merci

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