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La psychologue clinicienne Michèle Guimelchain-Bonnet a accordé une interview à Aidant attitude. Elle anime une émission sur Radio Vivre FM, intitulée « La parole aux aidants » dont les moments choisis sont retransmis en podcast sur Aidant attitude. Cette interview est diffusée en deux parties. Voici la deuxième partie, suite de la réponse à la question de savoir pourquoi la majorité des aidants refuse de se faire aider au début de leur vie d’aidant.

Lire la première partie de l’interview

MGB :

Je connais une famille aujourd’hui, avec 5 enfants. L’ainé va avoir 65 ans et le dernier 50, la mère a 90 ans. Trois enfants pensent qu’il faut laisser la mère vivre sa vie et la considérer comme elle est, c’est-à-dire comme une vieille dame adulte. Deux des enfants sont persuadés que la mère est une espèce de bébé à chouchouter, à câliner.

La vieille dame, elle, dit : 

« Je suis chez moi, alors laissez moi tranquille. Je vous demande quand vous parlez de moi, que ce soit en ma présence; je ne veux pas qu’on parle comme ça !».

Le garçon et la fille qui la traitent comme un bébé sont prisonniers d’une espèce de sentiment de culpabilité vis-à-vis d’elle, ou ils sont toujours dans la réparation avec elle.

Alors qu’ils sont tous frères et sœurs, ils ont tous les mêmes parents, pourquoi les autres disent : 

 « C’est très important qu’on soit là pour maman » ?

Il y en a deux qui s’occupent de ses papiers. Elle est en province, ils sont tous loin les uns des autres. Et il y en a deux qui vont plusieurs fois dans l’année lui faire les comptes, lui faire la déclaration d’impôt … même quand il n’y a pas de problème, ils vont la voir quand même pour vérifier si tout va bien.

Il y en à un qui est très très loin dans un pays, de l’autre coté du monde, qui lui téléphone pratiquement tous les jours avec une webcam.

Il y en a un qui habite tout près. Il vient diner presque tous les soirs. Mais la vieille dame dit : « Quand il ne vient pas, ça me soulage !». 

Le fils dit : « Si je n’y vais pas, ça lui manque ».

Je pense que chacun y trouve son compte, évidemment.

Tout dépend de l’histoire de chacun, comment il se situe. Selon comment on se situe dans la fratrie par rapport aux parents, tout va être plus percutant, plus fort, plus poignant en fonction de l’avancée en âge. Je pense que c’est ça qui est en train de se jouer dans l’exemple de cette famille. Il y a à mon avis beaucoup d’autres familles qui vivent le même scénario.

Aidant attitude :

Comment expliquez vous le comportement des aidants qui vont faire une surenchère, ne se satisferont pas de tout ce qu’ils vont faire pour leur proches ?

MGB :

Ces derniers restent sur le dos de la personne aidée et ne la laisse pas vivre. Dans l’exemple précédent, la vieille dame a encore toute sa tête. Il y a des choses dont elle a envie, et d’autres dont elle n’a pas envie. Elle doit se battre avec celui qui habite tout près et qui vient dîner souvent chez elle pour lui dire : « Ce n’est pas ça que je veux ».

 Elle n’ose pas lui dire : « Lâche-moi! ».

Parce que si elle lui dit : « lâche-moi ! », elle a peur qu’il ne vienne plus du tout. Mais après, quand il n’est pas là, elle dit aux autres enfants:

 « Il a dit qu’il ne pouvait pas venir dîner demain et bien je suis bien contente parce que comme ça, ouf, je vais souffler ».
C’est le problème aussi de la personne aidée qui reçoit une personne à son domicile et qui n’en peut plus parce qu’il y a trop de présence, d’intrusion.

Un monsieur disait l’autre jour à la radio 

 « C’est une véritable entreprise et je suis chef d’entreprise, parfois je n’en peux plus, le chef d’entreprise ne peut pas prendre de congés ».

Alors pour revenir à la question « qu’est ce qui fait que les gens ne veulent pas se faire aider ? »

, il y a aussi ce que l’on appelle en psychologie et en psychanalyse, la projection. La projection, c’est ce que moi je ressens, je ne peux pas le reconnaître comme tel donc je le projette sur mon interlocuteur.
Par exemple, je me lève le matin, je suis de très mauvaise humeur, parce que j’ai mal dormi, parce que j’ai des crampes d’estomac, parce que j’ai faim, parce que j’ai envie d’un café, parce que bon, n’importe quoi… j’arrive à mon travail, je suis toute énervée, je ne suis pas bien et le premier qui passe parmi mes collègues, je le regarde et je lui dis 

« Qu’est ce que tu as à me regarder comme ça ? Qu’est ce que je t’ai fait aujourd’hui ? » 

Alors que le collègue, gentiment, venait vous dire bonjour

 ! Il ne comprend pas du tout pourquoi une telle agression.

Ce comportement s’appelle la projection.

Quand on pense qu’on a ni confiance en soi, ni confiance en la personne aidée, on projette ce sentiment et on pense qu’aucun autre ne sera capable de s’en occuper et ne sera capable de faire ce qu’il faut.

Par ailleurs il ne faut pas oublier. Même avec les parents que l’on aime, et que l’on aime sans arrière pensée, on a aussi parfois des bouffées de haine qui remontent à l’enfance. Parfois aussi quand la situation dure et qu’on sent que le parent souffre moralement, physiquement et qu’on ne peut rien faire, c’est aussi une très grande souffrance de se sentir impuissant. On a envie que ça s’arrête et on se dit :

 « Ce n’est pas possible, j’aimerais bien qu’il meure, j’en ai marre ! ».

Ceci est irrecevable, inadmissible.

 Cependant c’est normal …

Je me rappelle de ma nièce de 25 ans me disant à propos de ma mère, qui était sa grand-mère :

 «Tu sais, je n’en peux plus de voir Mamie comme ça, je n’ai plus envie d’aller la voir. Il y a des fois, tu sais je pense des choses affreuses, abominables. J’aimerais bien qu’elle soit morte »
Et je lui ai dit : 

« Ce n’est pas abominable ! Tu as raison, tu as entièrement raison, bien sûr ! Moi aussi j’aimerais bien qu’elle soit morte, parce qu’elle a fait son temps. Et sa vie aujourd’hui n’est plus la vie ».
Ma pauvre mère était comme un légume au fond d’un lit. D’ailleurs, j’ai oublié, je ne me souviens plus comment elle était. Je me rappelle d’elle quand elle était majestueuse. Heureusement, on garde les bons souvenirs, les rigolades !

2 commentaires

  1. Nathalie Cuvelier 15 février 2012 à 8 h 05 min - Reply

    Merci à Madame Guimelchain Bonnet pour ses réponses sans pathos et profondes. Je comprends mieux à présent la notion de projection et l’idée que beaucoup de choses relevant du vécu de chacun se jouent dans la relation entre un aidant et la personne qu’il aide.

  2. Nathalie Cuvelier 15 février 2012 à 8 h 05 min - Reply

    Merci à Madame Guimelchain Bonnet pour ses réponses sans pathos et profondes. Je comprends mieux à présent la notion de projection et l’idée que beaucoup de choses relevant du vécu de chacun se jouent dans la relation entre un aidant et la personne qu’il aide.

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