Auteur de « Dans ma tête de bipolaire » (Eyrolles / 2019) coécrit avec la journaliste Juliette Lambot, François Lejeune, aujourd’hui négociant en vin, évoque comment la maladie a rendu compliquée ses relations avec ses proches. Il revient sur la notion de pair aidant, qui est particulièrement importante dans le rétablissement des troubles psychiques.
Aidant Attitude : Vous êtes l’auteur de « Dans ma tête de bipolaire », une maladie que vous avez réussi à surmonter. Mais quel a été votre parcours avant cela ?
François Lejeune : Je suis stabilisé depuis maintenant sept ans, mais j’ai mis beaucoup de temps à accepter et à comprendre ma maladie, comment elle se déclenche et ce qu’il faut faire pour éviter les crises maniaques dont j’ai toujours mis un à deux ans à me remettre. J’ai perdu trois femmes, six boulots, la plupart de mes amis, vécu neuf hospitalisations après lesquelles j’ai dû plusieurs fois recommencer à zéro. Mes crises maniaques m’ont fait dépenser beaucoup d’argent et prendre des risques sexuels. Elles vous font basculer dans un état proche de la folie car elles entraînent une perte de contact avec la réalité qui peut durer plusieurs jours. Mais j’ai fait également plein de choses drôles et complètement dingues, tout n’est pas négatif ! L’écriture de ce livre m’a aidé à comprendre ce qu’il m’est arrivé.
Aidant Attitude : Quels sont les rapports que vous entreteniez avec vos proches, avec votre famille ?
François Lejeune : Mon rapport à ma famille est compliqué. J’en ai voulu à mes parents de ne pas comprendre mes choix. Pendant des années, il n’y a pas eu un seul dîner qui ne se soit déroulé sans conflit. Je suis issue d’une famille bourgeoise, qui fonctionne avec des codes. C’est pourquoi mes parents n’ont jamais accepté ma vie, mes compagnes et mes amis. Cela m’a mis en colère jusqu’à une dizaine d’années, quand j’ai réalisé qu’ils avaient aussi beaucoup souffert. Ils ont subi, en quelques sortes, les dommages collatéraux de ma maladie. Lorsqu’ils sentaient arriver une crise, ils se tenaient en alerte, essayaient de me voir plus souvent, ce qui me mettait sous pression. Ils sont aussi intervenus plusieurs fois pour me faire hospitaliser car je faisais vraiment n’importe quoi durant les phases maniaques. Ensuite, selon le traitement que vous recevez, l’hospitalisation entraîne la dépression et c’est encore une période très difficile pour les proches.
Aidant attitude : Lorsque je vous ai demandé de me parler de votre relation avec les aidants, vous avez immédiatement évoqué le concept de pair aidant, qui existe surtout dans l’accompagnement des maladies psychiques. Un pair aidant désigne une personne qui a une expérience proche de celle de la personne aidée et qui, après s’en être sorti s’investit dans l’entraide. Avez-vous bénéficié de ce type d’aide ?
François Lejeune : Non, mais j’aurais adoré! J’ai découvert la notion de pair aidant en Belgique et j’ai trouvé remarquable qu’une personne bipolaire qui est stabilisée prenne en charge une personne atteinte de la même maladie. Je pense effectivement qu’on ne peut pas être mieux compris que par une personne qui a traversé les mêmes problèmes que soi. Lorsqu’on est fragile, on a besoin d’être aidé ainsi, en complément du psychiatre. Le pair aidant peut vous donner des clés pour s’en sortir.
Aidant attitude : Comment, selon vous, doit accompagner l’aidant d’un proche atteint de troubles mentaux ?
François Lejeune : L’attitude à adopter face à une personne bipolaire ou schizophrène est compliquée pour un aidant. Les aidants doivent comprendre la maladie avant tout car elle est invisible. Après la publication de mon livre, j’ai reçu beaucoup de témoignages de la part de personnes qui souffrent de maladies psychiques et de familles qui ont un proche dans cette situation. Beaucoup de personnes malades sont seules…
Propos recueillis par Sandrine Youknovski
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