« L’auto-hypnose permet aux aidants de retrouver leur équilibre émotionnel »

Antoine Bioy est professeur de psychologie et responsable scientifique de l‘Agence des médecines complémentaires. Il évoque les bienfaits de l’hypnose et d’une pratique autonome destinée aux aidants.

Aidant attitude : Comment l’hypnose peut-elle avoir une action sur la santé ?

Antoine Bioy : La pratique de l’hypnose s’appuie sur une compétence universelle qui est la capacité d’installer un moment de « suspension » où la personne ressent son corps et sa réalité environnante différemment qu’en état de conscience ordinaire. Le thérapeute aide le patient à se remettre dans cette disposition, et il intervient pour formuler notamment des suggestions en fonction des objectifs du patient : réduire son stress, sa fatigue, ses insomnies, etc. L’hypnose transforme ainsi le moment présent par les suggestions du thérapeute, dans le sens qui est souhaité.

Aidant attitude : Quels bénéfices les proches aidants peuvent-ils tirer de cette méthode ?

Antoine Bioy : Les aidants gagneront surtout à pratiquer l’autohypnose qui s’apprend auprès d’un thérapeute mais qui se pratique ensuite en autonomie. Cette méthode est différente de l’hypnose : les aidants ne sont pas traités comme des patients. Ils vont bénéficier d’une formation qui leur permet de distinguer différentes étapes dans la pratique. Une sorte de guide d’exercices à effectuer seul qui peuvent porter sur la position du corps, la respiration, les énergies des couleurs… Ce processus, une fois maîtrisé, va les aider à retrouver un équilibre émotionnel, à mieux gérer le stress, le sommeil, la colère, l’alimentation et à être plus efficace auprès de leurs proches. En réalité, l’autohypnose s’inspire un peu de la méthode Coué : une autosuggestion positive quelques minutes par jour qui permet de gagner en équilibre et ressources !

Aidant attitude : Quelles sont les formations les plus sûres ?

Antoine Bioy : Le problème de la sûreté des formations ne se pose pas vraiment pour celles destinées aux aidants dans la mesure où l’autohypnose est uniquement utilisée en support. Il faut, en effet, distinguer ce type de formations courtes, de deux à trois jours très orientées sur la mobilisation des ressources naturelles, à celles prévues pour les personnes malades qui sont à visée thérapeutique : juguler une dépendance médicamenteuse, sortir d’une dépression chronique, etc.

Toutefois, il est indispensable que les formateurs qui s’adressent aux aidants connaissent les dimensions particulières de leur problématique et des maladies des personnes aidées. Il est important de comprendre ce que signifie d’accompagner une personne handicapée, atteinte de la maladie d’Alzheimer, ou en fin vie et également de comprendre les aidants, qui  se trouvent dans des situations paradoxales en supportant ce qui ne devrait pas être supporté. Car être aidant c’est souvent être pris entre le poids de la charge et la loyauté envers le proche aidé.

Aidant attitude: Pouvez-vous nous parler des recherches que vous effectuez sur l’hypnose et ses mécanismes ?

Antoine Bioy : Je m’intéresse essentiellement à la façon dont l’hypnose modifie la relation à l’autre en donnant une place aux perceptions corporelles, et installent une communication centrée sur l’intuition, l’affectivité, la présence sensible. Les faits sont indiscutables, mais il faut les expliquer, mettre à jour les processus pour aller plus loin dans ces pratiques. Il existe, par ailleurs, un dénominateur commun entre l’état de conscience modifié – comme l’hypnose et les processus de transe – comme les pratiques chamanistes, et les expériences exceptionnelles. J’évoque cela dans un ouvrage collectif qui sera publié en 2023 chez les éditions Dunod. Ces points y seront abordés sous différents angles et nous expliquerons où en est la science à ce sujet.

Propos recueillis par Sandrine Youknovski