Le confinement et la crise sanitaire liée à l’épidémie ont touché de plein fouet les personnes fragiles et mis à rude épreuve soignants et aidants. Choqués, fatigués, stressés ; même si au domicile, les conditions d’accueil des personnes paraissent plus supportables, les aidants témoignent pour Aidant attitude au travers deux témoignages : celui de Zahra, aide soignante en Ehpad et celui d’Ingrid, sœur et aidante d’une personne handicapée.
« Avec plus de moyens, beaucoup de malades auraient pu être sauvés »
Le manque de personnel, de médicaments, les décès qui s’enchaînent… Aide soignante en service de nuit dans un Ehpad privé de l’Oise (60), un des départements les plus touchés par le Covid 19, Zahra revient sur la crise sanitaire qui a frappé son établissement.
Aidant attitude : Comment vous êtes-vous organisés pendant le pic épidémique ? Qui a pris les décisions ?
Zahra : Nous avons tenu deux réunions pluridisciplinaires par tranche de 24 heures destinées aux équipes de jour et aux équipes de nuit. Les décisions sur la gestion du service ont été prises en commun avec la direction, les encadrants et les soignants. Des locaux ont été mis à disposition pour permettre à ceux qui étaient volontaires de dormir sur place. Cela a été mon choix : c’était plus simple alors que nous faisions des semaines de travail de 50 à 60 heures. Nous n’avons pas compté les heures, non pas pour gagner plus mais par solidarité.
Aidant attitude : Disposiez-vous d’un équipement suffisant ?
Zahra : Nous avons pu faire face grâce à la réserve stratégique de l’établissement qui avait anticipé en cas d’épidémie . Toutes les autres commandes de masques, de gels hydroalcooliques et de blouses ont été réquisitionnées par la Région alors que les besoins étaient énormes. En effet, pour éviter de contaminer les patients, il faut changer de blouse avant chaque soin et d’une chambre à l’autre.
Notre principal problème a été le manque de moyens humains à cause des soignants, tombés malades qui ont du s’absenter et des vacataires sursollicités.
Aidant attitude : Comment avez-vous géré les patients de l’établissement ?
Zahra : Au moment du pic, l’hôpital nous a demandé de ne plus leur envoyer de patients car les malades de l’Ehpad n’étaient pas prioritaires… Les décès se sont alors enchaînés, parfois jusqu’à trois par nuit… Il s’agissait pour la plupart de personnes qu’on aurait pu être sauvées si les moyens avaient été là. C’est vraiment injuste ! Atteints par de multiples pathologies liées à l’âge, auxquelles s’est ajouté le Covid, le médecin de l’Ehpad s’est rapidement retrouvé débordé. Les gens n’étaient plus suivis, pas testés, les médicaments manquaient. Nous avions juste le droit de sédater les malades… Nous nous sentions impuissants. Cela a été un carnage… très peu ont résisté. Le plus difficile a été de placer les corps dans les houses mortuaires en cinq minutes sans toilette ni hommage et de voir les cercueils se croiser dans les couloirs.
Aidant attitude : Comment ont réagi les familles ?
Zahra : Les réactions ont été très diverses. Certaines familles ont refusé de voir leur proche, d’autres nous ont beaucoup soutenus. Nous avons mis en place des communications par Skype, mais le confinement a été très difficile pour les personnes âgées. Beaucoup se sont sentis très seuls dans leur chambre malgré les visites du psychologue et des animateurs et certains se sont laissés partir… Nous sommes en colère contre l’État qui n’a rien anticipé et qui nous a complètement abandonnés. C’est la réserve de matériel que nous disposions qui nous a permis de tenir…
Propos recueillis par Sandrine Youknovski
« Être en famille nous a permis de nous relayer »
Ingrid nous raconte comment, pendant le confinement, sa sœur, lourdement handicapée a été prise en charge par sa famille.
Aidant attitude : Comment s’est déroulée la prise en charge de votre sœur handicapée pendant le confinement?
Ingrid : Nous avons fait revenir ma sœur à la maison au bout de deux semaines de confinement. Elle n’arrivait plus à supporter l’ambiance dans sa MAS (Maison d’accueil spécialisée) et donc nous avons choisi de la faire rentrer à la maison.
Aidant attitude : Comment avez-vous géré le matériel, les soins… ?
Ingrid : Ma sœur a une IMC (infirmité motrice cérébrale). Lors de sa prise en charge, son centre nous a proposé le matériel dont nous avions besoin : rebord d’assiette, lève personne, tapis anti dérapant, lit médicalisé, etc. Mais nous sommes déjà bien équipés et nous n’avons pas demandé de matériel supplémentaire. Nous avons pris en charge tous les soins du quotidien sans l’intervention d’une aide soignante ou d’une auxiliaire de vie. Nous avons fait le choix de ne pas demander d’aide extérieure par crainte de faire entrer le virus dans la maison mais aussi pour laisser le personnel soignant libre pour les personnes en réel besoin.
Aidant attitude : Comment se sont déroulées vos semaines ? Avez-vous vécu des situations de stress ?
Ingrid : Nous avons eu la chance de vivre le confinement dans une maison avec un jardin donc la pression psychologique était sans aucun doute moins compliquée à gérer qu’en appartement. Le fait d’être en famille nous a également bien aidé car cela nous a permis de pouvoir nous relayer. A la fin, ma sœur est retournée dans son centre où elle a été placée en quarantaine pendant une semaine avant de pouvoir passer un test et reprendre ensuite une vie quasiment normale en respectant, bien sûr, les gestes barrières .
Propos recueillis par Sandrine Youknovski
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