Fondatrice de l’association HandiSocial, militante engagée pour la défense des droits des personnes handicapées, Odile Maurin, en fauteuil car atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos a rejoint les rangs des gilets jaunes. Elle a été blessée à plusieurs reprises par les forces de l’ordre pendant les manifestations toulousaines.
Aidant attitude : Vous êtes la fondatrice et la présidente de Handi social, quels sont les objectifs de votre association ?
Odile Maurin : J’ai créé cette association en 2001 avec des membres du « Comité COTOREP, handicap, aide sociale de l’ADUA » (association des usagers de l’administration) pour défendre les droits des personnes en situation de handicap à l’égard de la Cotorep. En effet, j’ai acquis une certaine expérience en matière de droits pour avoir défendu les miens pendant dix ans et abouti à faire condamner l’État en cassation et le président du Conseil Général sur la PCH !
Aidant attitude : Quels sont les principaux problèmes que rencontrent les personnes handicapées aujourd’hui ?
Odile Maurin : Nous sommes dans une société basée sur des normes validistes et capacitistes qui ne s’intéresse qu’aux individus productifs à court terme, dans le seul but d’enrichir une petite oligarchie. Les personnes handicapées ne sont considérées que lorsqu’elles incarnent des supers héros qui peuvent donner des leçons de vie aux valides. Mais la majorité d’entre elles subissent la précarité, la ségrégation et le déni de leurs droits comme l’a relevé le rapporteur spécial de l’ONU. La France décide des politiques handicap sans les principaux concernés.Leur parole est confisquée par des associations,gestionnaires d‘établissements,qui défendent leurs propres intérêts. Elles décident à notre place, font semblant de militer sans froisser les autorités qui financent des établissements spécialisés au détriment des moyens nécessaires pour une vie autonome en milieu ordinaire.Aujourd’hui, les handicapés ont un gros problème avec l’AAH. La modification de son taux de cumul, qui prend davantage en considération les revenus du conjoint, génère une dépendance malsaine. Sans parler des effets pervers de cette prestation qui revient à supprimer le droit de se marier aux personnes handicapées ou à les obliger à frauder.
Aidant attitude : Vous êtes également gilet jaune, qu‘est-ce qui vous a conduit dans la rue ?
Odile Maurin :Je suis habituée depuis longtemps aux actions coup de poing. En 2014, nous avons déjà mené des actions de péage gratuit et, en 2018, bloqué le convoi d’airbus de l’A380 et des avions sur le tarmac de Toulouse-Blagnac ! J’ai attendu le 8 décembre pour rejoindre les gilets jaunes.Au départ, je n’étais pas en phase avec les revendications autour du prix du gasoil en contradiction avec les enjeux climatiques auxquels nous devons faire face. Mais nous nous sommes finalement retrouvés dans la rue autour d’actions communes liées aux causes du handicap.La répression est violente, la police nous gaze et nous maltraite, mais on a le droit de manifester même lorsqu’on est handicapé !
Aidant attitude : Comment envisagez-vous les suites de ces combats ?
Odile Maurin : J’ai beaucoup d’inquiétude face à ce qui se prépare car chaque jour les droits des handicapés reculent. Ce n’est pas complètement nouveau, les régressions ont été amorcées par les deux gouvernements précédents, mais ça s’accélère : division par cinq de la production de logements accessibles, fausse augmentation de l’AAH, paiement des tutelles, revalorisation des pensions d’invalidité inférieure à l’inflation…Avec tout ce qu’il s’est passé depuis le début du mouvement des gilets jaunes, le combat engagé dans la rue ne peut plus s’arrêter. La violence grandit malgré une foule très majoritairement pacifique.Les policiers fatiguent mais les gens ne doivent pas fuir sous les gaz, même si cela fait peur car nos causes sont légitimes. Lorsque la police nous attaque sans motifs à coup de grenades lacrymo et de canon à eau alors que nous sommes totalement pacifiques, nous bloquons des canons avec nos fauteuils. La police essaie de nous déloger, nous pique nos masques, nous violente. Les policiers m’ont blessé à deux reprises en m’occasionnant de multiples fractures du pied accompagnée d’arrachements osseux et d’une entorse au pouce lors des dernières semaines mais ces tentatives de nous faire peur et de nous interdire d’exercer notre liberté fondamentale de manifester ne nous feront pas céder !
Aidant attitude : Que pensez-vous de la situation des aidants aujourd’hui ?
Odile Maurin : Les aidants se font arnaquer par l’État qui compte sur la solidarité familiale au lieu de s’appuyer sur la solidarité nationale pour financer des aidants professionnels permettant aux aidants familiaux de rester conjoint, enfant, parent et non de devenir soignant malgré soi. Cela aboutit à des situations ubuesques qui font que les gens craquent ! Il ne s’agit pas, bien sur, de dessaisir les proches qui souhaitent s’investir auprès des membres de leur famille dépendants mais de s’inspirer d’autres modèles de fonctionnement. En Suède par exemple, le système soutient les aidants par le biais du financement d’aidants professionnels et leur permet de garder une vie normale.
Propos recueillis par Sandrine Youknovski
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Aidant ! Kezako ? Le mot comme le concept recouvre une vaste hypocrisie de l’Etat et autres institutions qui renvoient les handicapés et leurs familles à des tracasseries permanentes, surtout sommés de se justifier sur le bien fondé des aides financières qu’ils reçoivent.
Pour l’aidant comme pour l’aidé c’est une fatigue sans issue, un petit jeu de je te donne et tu me rends, et surtout tais-toi