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Marie Jeanne Richards, présidente de l’Unafam (Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) se bat pour la reconnaissance des droits et la défense des intérêts des personnes malades de troubles psychiques ainsi que pour le soutien de leurs aidants, peu accompagnés par la société.

 

Aidant Attitude : L’Unafam est spécialisée dans l’accompagnement des familles et des personnes qui souffrent de maladies psychiques. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont vos activités ?

Marie Jeanne Richards : L’Unafam est la plus ancienne et l’une des seules associations consacrées aux maladies mentales. Elle a été créee il y a  60 ans, dans un contexte de désinstitutionnalisation durant lequel les malades internés dans les « asiles psychiatriques» ont été renvoyés dans leurs familles, quand ils en avaient, sans aucune aide pour celles-ci. Cela était d’autant plus problématique qu’à l’époque, les familles étaient considérées à la fois comme des solutions de garde mais également comme un élément pathogène déclencheur de la maladie; ce qui est parfois encore le cas aujourd’hui ! Soutenues par des psychiatres, des familles de malades décident de s’organiser et l’Unafam naît, alimenté par le besoin d’aider les familles et leurs proches malades. Depuis, nous œuvrons à la défense des droits pour la reconnaissance des personnes atteintes de troubles psychiques et de leur entourage: leur droit à la parole, leurs droits sociaux ainsi que pour une reconnaissance des troubles cognitifs qui handicapent la vie quotidienne.  Pour autant, après toutes ces années, nous sommes encore méconnus des unités psychiatriques qui ne renvoient toujours pas vers nous les malades et leur entourage en recherche de soutien

 

Aidant attitude : Quelles sont les actions spécifiques qui s’adressent aux aidants ?

Marie Jeanne Richards : L’Unafam rassemble aujourd’hui  15 000 familles en France et est présente  dans plusieurs départements où de multiples actions sont menées.  Nous disposons de lieux d’accueil pour les familles afin que tous puissent se retrouver entre pair et  partager des histoires  semblables, nous avons mis en place des groupes de paroles entre aidants et des formations, avec le soutien de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui  permettent aux aidants de mieux comprendre les troubles psychiques et de mieux communiquer avec leur proche malade, nous tenons également des colloques et organisons des journées d’information et d’échanges.

 

Aidant attitude : Pourquoi est-il toujours autant difficile de parler des maladies mentales ?

Marie Jeanne Richards : La psychiatrie est toujours restée dans les mains des psychiatres, lesquels peinent à entendre que les soins ne suffisent pas et qu’il est indispensable que les personnes vivant avec des troubles psychiques soient aidés pour accéder à l’emploi, pour avoir des activités ou encore pour réaliser leurs démarches administratives.  Les handicaps physiques et sensoriels sont considérés comme la « partie noble » du monde du handicap, celle dont on s’occupe alors qu’on ne veut pas entendre parler du handicap psychique. Il faut être réaliste, la bienveillance existe lorsque les troubles psychiques concernent les enfants, dans le cadre de pathologies telles que la trisomie 21 ou l’autisme, mais elle est inexistante à l’égard d’un jeune qui décompense. Et cela existe  au sein même du monde du handicap où les préjugés ont la vie dure, renvoyant à la personne une responsabilité dans ses troubles (lors de prise de drogue par exemple) ou une responsabilité à sa famille (elle dysfonctionne).

 

Aidant attitude : Quels sont les besoins spécifiques des aidants de proches qui souffrent de troubles psychiques ?

Marie Jeanne Richards : Les aidants de personnes concernées par la maladie psychique ont besoin de davantage d’informations et de formations à la maladie et au handicap psychique. En effet, pour aider une personne qui souffre de troubles mentaux, il est indispensable de comprendre ses symptômes. Cela permet, par exemple, d’éviter d’accuser le malade de fainéantise alors que la souffrance l’empêche de se lever.  Les troubles mentaux concernent principalement les jeunes, c’est pourquoi il faut également soutenir les aidants à encourager les personnes malades à rester les plus autonomes possible. Les familles doivent comprendre ce qui leur arrive car l’annonce d’une maladie mentale est terrible. En ne compensant pas le handicap psychique, la société rend  très difficile la vie des personnes atteintes de maladies mentales  et de leurs aidants. Les familles se retrouvent perdues et se culpabilisent. Et il faudra encore attendre des années avant de sortir de ces schémas. L’Unafam réalise tous les ans un baromètre pour identifier la charge mentale des aidants afin de faire remonter leur situation auprès des politiques, mais les choses sont lentes à bouger.

 

Aidant attitude : Selon vous, quelles sont les avancées et les principales attentes en matière d’accompagnement de la santé mentale ?

Marie Jeanne Richards : Le principal point positif concerne l’accès à la Prestation de compensation du handicap aide humaine (PCH) qui est facilitée depuis le 1er janvier 2023. En revanche, la vraie prise en compte du handicap pour les malades psychiques n’avance pas. Les politiques ne veulent pas s’en occuper car c’est trop onéreux. Le monde du handicap a rendu les troubles psychiques invisibles. A l’Unafam, nous aidons les familles à sortir de l’invisibilité.

 

Propos recueillis par Sandrine Youknovski

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