Un regard approfondi sur la post-aidance, une phase souvent négligée de l’accompagnement
Jean Bouisson et Olivier Frézet, Président de l’association Vivre Avec – Solidarités intergénérationnelles, ont permis de déplacer notre regard du seul aidant au lien avec son aidé dans son écologie propre. Cette évolution a permis d’appréhender divers états de l’Aidance, précisés au fur et à mesure de l’évolution de notre réflexion. Excepté l’Aidance spécialisée, ils ont une caractéristique commune : ils sont largement, voire totalement, inexplorés. Nous nous proposons d’en fournir un exemple supplémentaire avec la Post-Aidance.
La Post-Aidance : Un Lien Fragile
Ici, nous sommes aux frontières extrêmes du lien, lequel n’est pas uniquement ce qui nous rapproche, mais d’abord ce qui nous lie. Un lien sans liant est comme un mur sans ciment. Dans la Post-Aidance, il vient de rompre ou est menacé de rompre, tout comme une simple lézarde sur un mur annonce que des briques sont déjà descellées ou proches de l’être. Différemment du ciment, les liens qui unissent les hommes sont tenus par un liant qui reste fréquemment « actif » quoi qu’il arrive. Une cassure le laisse « à vif ». La peur qu’il se fissure met en alerte ; et s’il n’y a pas d’espoir de réparer, la douleur de la perte ne tarde pas à s’imposer à l’esprit, avec le risque de devenir dévastatrice.
Les Témoignages : Une Réalité Multiple
Anticipée, vécue, récente ou plus lointaine, la rupture peut faire d’autant plus mal qu’il n’y a pas la « peau » des mots pour la saisir et l’exprimer, pas plus qu’il n’y a d’oreilles pour l’entendre. D’ailleurs qu’est-il proposé à ces « aidants » dans cet entre-deux de solitude ? Écoutons-les :
- Karima : « Je viens d’enterrer ma mère après 6 mois d’agonie. Une horreur ! Si je dois revivre le même enfer avec mon père, que j’adore pourtant, je suis sûre que je ne pourrai pas tenir longtemps. Tout ça m’a laminée et me pourrit mes nuits… »
- Chloé : « J’ai mis mes parents en EHPAD. Avec mon conjoint, nous n’en pouvions plus. Le personnel nous a dit que nous devions penser à nous maintenant, qu’ils prenaient tout en charge… Ça m’angoisse et ça me culpabilise quand même, parce que je ne crois pas qu’ils sauront aussi bien s’occuper d’eux que nous. Et puis il y a le sentiment de les avoir trahis dans l’amour qu’on leur devait… »
- Ion : « Voilà ! Ma compagne a rejoint les étoiles. Je l’ai portée à chaque seconde de ses derniers moments. J’étais ses yeux et sa parole. Je sens toujours son parfum chez nous. Je la devine dans le moindre objet. Je la vois dans son lit de souffrance. Ma fille veut m’obliger à vendre la maison pour venir chez elle. Je ne peux pas me défaire comme ça de tout ce qui m’habite encore si fort. Il va me falloir du temps pour décider ce que je vais faire et je préfère rester seul pour l’instant. »
- Aissata : « Mon ami et moi, nous avons fait notre vie, en nous dévouant pour notre fils gravement handicapé. Comme nous sommes très malades tous les deux, et sans famille, nous ne savons pas comment faire pour trouver quelqu’un qui s’occupera de lui après. Ça nous rend encore plus malades. »
Les Défis de la Post-Aidance
Entre souffrance et (promesse de) délivrance, la Post-Aidance est un temps singulier. Le liant des liens tente de ne pas s’y dessécher et de réinscrire les fils de soi dans la trame de l’existence. Les images du passé, les figures d’attachement, les moments de tendresse, d’affection, de prévenance, de conflit, les ondelettes porteuses d’élans divers, s’entrecroisent pour tisser une toile nouvelle. Il vaut mieux, certes, laisser le temps au temps, et à chacun celui de se (re)trouver, mais à condition de ne pas le laisser seul, dans le vide et un impensé social et culturel toxique.
Solutions et Recommandations
- L’importance de l’information : Les aidants formulent toujours en priorité le souhait d’être informés (ou mieux informés). On se sent toujours seul et démuni quand on n’est pas écouté et entendu dans ses besoins immédiats, au plus proche du présent de sa souffrance. On doit l’être tout autant quand on se trouve sur le point de perdre le « statut » d’aidant, qu’on l’a déjà perdu ou que l’on fait partie des invisibles de l’aidance.
- Développer les solidarités actives : Notre société doit aussi affronter en urgence un problème de fond consistant à développer de « multiples formes de solidarités actives », des « solidarités concrètes, fondées sur l’échange, la confiance et l’accompagnement », au plus près de chacun dans son territoire, en inscrivant dès le plus jeune âge, la participation et l’entraide collective comme socle pédagogique et transversal de l’acquisition de tous les savoirs dans nos écoles.
- Créer des réseaux de sentinelles de l’Aidance : Il nous semble important d’encourager, dans le même temps, la formation de réseaux de « sentinelles de l’Aidance » ayant pour rôle de faire des liens directs et rapides entre les différentes formes de solidarité actives, entre l’associatif et le socio-médical, par exemple.
Conclusion
Nous voudrions pour conclure, citer également en exemple, une dynamique récente qui se met en place et permet de relier différents acteurs de l’aidance sur le territoire des Graves (dans la région bordelaise) : « Les acteurs impliqués dans le champ de l’aide aux aidants de la ville de Villenave d’Ornon (Pôle Ressources et CCAS) expriment leur intérêt pour travailler sur le thème de LA POST-AIDANCE. En effet, les professionnels présents évoquent leurs difficultés de relais pour les usagers des actions du Pôle Ressources (bien que les critères pour en bénéficier soient de constituer un « binôme aidant-aidé ») et du Café des Aidants alors que leur proche est entré en structure de soins ou bien décédé ». À notre connaissance, il s’agit de la toute première initiative centrée sur l’entre-deux singulier et critique de la Post-Aidance, s’organisant avec les acteurs de l’Aidance, en un lieu privilégié de sa mise en œuvre : le territoire.
Les mécènes d’Aidant attitude

Les mécènes d’Aidant attitude contribuent au développement du fonds de dotation, à la fois par des actions de mécénat, mais aussi par la réalisation de projets communs pour les aidants. Sans eux Aidant attitude n’existerait pas, et ne pourrait pas mener ses actions d’information, soutien et réconfort aux aidants.
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