Merci pour vos étoiles!
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Infirmière de formation, Christine Richet est, depuis plus de 13 ans, directrice d’EHPAD. Aujourd’hui responsable d’un établissement privé du groupe Korian(*) à Vaucresson, elle décrit les évolutions positives qu’elle a pu observer tout au long de sa carrière et elle nous parle de ce secteur, au cœur de l’humain, qui continue à lui apprendre à regarder autrement la vieillesse…

Télécharger le guide “petits conseils aux familles” co-écrit par Aidant attitude et Korian.


Quelles sont les conditions d’une entrée en EHPAD réussie ?

Dans le meilleur des mondes, l’idéal serait que toute entrée en EHPAD ait été anticipée par la personne âgée elle-même, son conjoint s’il est encore en vie et la famille. Cela arrive, je reviendrai sur des exemples précis mais cela implique d’en avoir discuté en famille en amont d’une situation d’urgence. Le consentement de la personne âgée et la collégialité de la décision au sein de la famille est une condition essentielle. Dans une fratrie, il est primordial que les enfants se retrouvent autour de ce choix. Chercher un EHPAD, c’est un peu comme chercher un appartement et il ne faut pas être gêné de le dire. Il faut faire un tableau avec des plus et des moins, considérations géographiques, financières, médicales… et associer la famille à cette recherche d’un lieu de vie. Autre condition requise : l’adéquation entre les besoins du résident et les possibilités de l’établissement. Un des énormes pas réalisés ces dernières années est l’instauration de la visite de pré-admission médicale. Elle est faite par le médecin coordonnateur pour vérifier que l’état de santé du résident est compatible avec une prise en charge au sein de la résidence et pour s’assurer de son niveau d’adhésion au projet.

Pouvez-vous illustrer d’un exemple une entrée « dans les meilleures conditions » ?

Oui, d’autant plus facilement qu’heureusement, cela arrive aussi… Un résident avec de multiples pathologies était venu voir l’établissement avec son épouse, alors qu’il visitait d’autres établissements par ailleurs, en septembre 2011. Ce jour là, il avait clairement dit à son épouse : « le jour où je dois y aller, c’est ici que je veux aller. » Peu de temps après, il a mal décompensé d’une pathologie et son état s’est aggravé brutalement. Il n’aurait plus été en état de rechercher un lieu de vie adapté à sa nouvelle situation. Mais son épouse savait sereinement quoi faire puisqu’ils avaient tout anticipé à deux. Je me souviens qu’à sa première visite, il m’avait dit : « Je fais ça pour soulager mon épouse et mes enfants, je ne veux pas qu’ils aient la responsabilité de ce choix. »

Revenons à la visite de pré-admission médicale…

C’est aussi « le » moment de l’accueil avec l’équipe, le moment où nous devons nous assurer, quand il en est encore capable, que le résident comprend et réalise ce qui se passe. Il y a souvent un peu de non dit de la part de l’entourage qui ressent une part de culpabilité. C’est marquant chez beaucoup de conjoints qui ont le sentiment de ne pas tenir leur promesse « de vieillir ensemble ». Le sentiment d’abandon est plus violent pour eux. Nous aussi, nous utilisons alors une forme de prévenance, nous ne sommes pas là pour juger ni annoncer des choses définitives et brutales mais nous devons être le plus transparents possible avec le résident.

Autre nouveauté de ces dernières années, le projet individualisé, en qui consiste t-il ?

Ce projet est mené par une équipe pluridisciplinaire (psychologue, médecin coordonnateur, cadre de santé, aide soignante, psychomotricienne …), avec le résident et ses proches. Il a pour objectif, si le résident en est capable, de recueillir sa volonté, prendre en compte sa personne et à son histoire, déterminer les objectifs de soins et de vie. Il est important de faire la différence entre ses souhaits et ceux de l’entourage mais aussi de trouver le plus possible à les mettre en phase … Prenons un exemple : si un résident a clairement énoncé son choix de ne pas descendre dans la salle à manger pour les repas, il est noté dans son projet de vie, qu’on respecte son choix de manger dans sa chambre. Organiser ce qui est important pour chacun, par exemple, les sorties à l’extérieur, fait aussi partie du projet de vie. Cette réflexion aboutit à un document contractuel entre le résident, ses proches et l’institution.

Vous parliez des conjoints. Certains souhaitent-ils « vieillir ensemble » ?

Au fil des années, mon regard a changé grâce aux formations « Humanitude » dispensées pendant 3 ans chez Korian. Chaque couple a une histoire de vie et des souhaits différents que nous essayons de respecter. J’ai l’exemple d’un couple qui avait toujours dormi dans le même lit et qui n’envisageait pas d’être séparé la nuit. Nous les avons donc accueillis dans un grand lit médicalisé. Avec l’entrée en dépendance de l’un d’eux, la demande d’un lit médicalisé et la séparation s’est imposée mais elle est venue d’eux. Ils étaient prêts. Ce sont des demandes légitimes qui, aujourd’hui, sont mieux écoutées et prises en compte.

Parlez-nous des relations entre les aidants familiaux et les équipes soignantes ?

Les familles sont exigeantes et ne réalisent pas toujours le travail qui nous est demandé. Les médias, à la suite de quelques cas tragiques de maltraitance survenus en France ces dernières années, ont par ailleurs contribué à transmettre une mauvaise image des maisons de retraite. Dans ce contexte, la transparence et le dialogue sont d’autant plus importants pour tisser des liens de confiance que je cultive au quotidien. Les équipes, elles, doivent de plus en plus se justifier. Chacun de leur geste est « tracé » pour assurer la continuité de la prise en charge du résident lorsque les équipes changent. Mais de plus en plus, cette traçabilité permet en cas de litige, de connaître les responsabilités des uns et des autres. Pour moi, l’aidant « idéal » est celui qui vient régulièrement poser des questions et qui exprime de façon constructive (et non pas menaçante) quand quelque chose ne va pas de son point de vue. Ensuite, c’est à l’équipe d’encadrement de faire la part des choses entre la réalité et la culpabilité liée à l’entrée du parent en institution qui explique certaines réactions vives de la part des familles. Lorsque les demandes sont légitimes, elles nous font aller de l’avant pour toujours améliorer les conditions de vie en EHPAD.

Avec des pathologies de plus en plus lourdes ?

Nous avons des personnes de plus en plus âgées et dépendantes. Et nous n’avons pas beaucoup de recul dans la prise en charge des très âgés. Moi-même, à 50 ans, j’ai l’expérience et les souvenirs de l’enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte mais je n’ai pas fait l’expérience de la vieillesse et de la dépendance. Je dois donc essayer de les comprendre au mieux. Comprendre, par exemple, qu’un résident qui a des troubles du comportement n’est pas « agressif » mais « défensif », qu’il réagit à une situation qu’il ne comprend pas et qu’on lui impose ; comprendre aussi que quitter son lit le matin dans le grand âge peut être une épreuve douloureuse ; comprendre que les repas peuvent être longs, laborieux et difficiles à cause de difficultés de mastication et de déglutition… Il y a dix ans, je disais à mes soignants de faire les toilettes dans l’ordre, d’un bout du couloir à l’autre, d’aider aux repas dans un temps déterminer Maintenant, je leur demande d’essayer de prendre en compte, dans la mesure du possible, les rythmes de vie des résidents et le message que je fais passer auprès des équipes c’est : « l’heure de manger pour nos résidents, c’est toute la journée ».

Votre rôle et vos attentes en quelques mots ?

Mon cœur de métier, c’est la gérontologie et c’est là que mon âme soignante trouve son compte, à assumer la prise en charge la plus individualisée possible, et je dis bien la plus individualisée possible. Je suis aussi un chef d’orchestre qui doit savoir jouer de tous les instruments ! Je suis le garant des liens avec la famille et leur interlocuteur privilégié mais aussi le manager d’équipes qui manquent de reconnaissance.

Notre secteur est en pleine mutation et les exigences règlementaires se multiplient. Dans un contexte où les pathologies sont de plus en plus lourdes, il serait très bénéfique de pouvoir disposer d’une infirmière de nuit qui assure la continuité des soins. La vie et la maladie ne s’arrêtent  pas à 20h ! Cela pourrait limiter les hospitalisations de nuit qui sont très dommageables pour les personnes âgées.

Propos recueillis par Nathalie Cuvelier, Webinage

(*) le groupe Korian est mécène d’Aidant attitude depuis 2011

Un commentaire

  1. luciano 10 décembre 2016 à 23 h 31 min - Reply

    Bonsoir à tous,
    Après 6 ans du changement incroyable de mon mari, qui était soigné pour ” dépression, une IRM annonce une DFT.
    Pour le moment, je gère bien son comportement. La grande question, et pas des moindres, est que nos 2 retraites ne couvrirons jamais les tarifs. La retraite de mon mari ira à l’établissement de soins, mais dans ce cas, ma retraite ne couvrira même pas mon loyer.. Je suis seule, très isolée( sans famille), pas d’enfant, mon fils unique est DCD.. Alors ? autant vous dire que je suis très inquiéte, mais que faire ? Suis cardiaque ( infactus )j’ai 75 ans, bien valide O.K.
    Merci de votre lecture. Mme Luciano à Nice 06

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