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Nous avions rencontré Odile Maurin il y a deux ans. A l’époque, la fondatrice de l’association Handi-Social, militante pour la défense des droits des personnes handicapées, avait évoqué comment son engagement avec les gilets jaunes lui avait valu des violences policières. Nous la retrouvons aujourd’hui après un procès qui s’est tenu le 23 mars dernier à Toulouse dans des conditions désastreuses.  

Aidant attitude :  Pourquoi vous êtes-vous retrouvée au tribunal ?
Odile Maurin : Nous étions accusés d’entrave aux circulations ferroviaires et aériennes suite à deux actions conduites par Handi-social en 2018.  La première a été menée dans la gare de Toulouse Matabiau, où le métro et les nouveaux quais n’étaient pas accessibles en autonomie aux personnes en fauteuil malgré des engagements de longue date qui n’avaient jamais été tenus. La seconde s’est déroulée à l’aéroport de Toulouse Blagnac contre la loi Elan, qui a divisé par cinq le nombre de logements accessibles. En réalité, nous avons simplement pénétré sur les pistes par deux portails ouverts, surveillés par une vigile mais sans qu’aucune interdiction ne soit visible à l’entrée. Ces deux actions ont fait l’objet de plaintes déposées par la SNCF, Aéroport de Toulouse et Air France ainsi que par Airbus à la demande du préfet.

Aidant attitude : Comment s’est déroulé le procès ?
Odile Maurin : Le procès a été lamentable à tous les niveaux. Le tribunal n’était pas en règle au niveau de l’accessibilité, nous avons dû pénétrer dans le bâtiment par un élévateur sale et branlant, non conforme aux textes. De plus, le registre public d’accessibilité et l’arrêté d’approbation de l’Ad’AP (agenda d’accessibilité programmé), qui sont pourtant obligatoires, n’étaient pas disponibles.  Nous nous sommes entassés dans une salle d’audience bondée, au mépris des normes d’évacuation en cas d’incendie et des mesures sanitaires. Les micros ne fonctionnaient pas, rendant l’écoute des débats difficile pour les personnes atteintes de troubles auditifs, relégués au fond de la salle, malgré les remarques des avocats. Aucun interprète n’était présent pour une camarade dont des troubles d’élocution avaient été signalés en amont. La juge a ponctué son discours à son égard d’un « Madame, je sais que c’est pénible pour vous, mais cela l’est pour nous également ! » Aucun dispositif non plus pour une autre personne qui est mal-voyante. Pas d’assistance pour accéder aux toilettes, ce qui a obligé certains d’entre nous à porter des couches. Une personne s’est d’ailleurs urinée dessus… Et pour finir, les magistrats ont refusé d’interrompre le procès pour nous permettre de rentrer chez nous, sachant très bien que les transports spécialisés de certains d’entre nous venaient à 18h et 20h, sans possibilités de modification, et qu’à partir de 22 heures, il n’y avait plus de transports publics. Il est clair que le tribunal n’a rien fait pour nous permettre de nous exprimer individuellement et avoir un procès équitable.

Aidant attitude : Le verdict a lieu prochainement, que risquez-vous ?
Odile Maurin : Nous sommes dans l’attente du délibéré. Il sera rendu le 19 mai. Le parquet a requis 750 euros d’amende et de trois à huit mois de sursis. Ceci après une première condamnation administrative de 750€ chacun. C’est ubuesque, la justice française ne respecte pas la loi mais se permet de nous juger…

Aidant attitude : Au fil du temps, on peut dire que vous êtes devenue une cible ? Comment l’expliquez-vous ?
Odile Maurin : J’en suis à mon cinquième procès, c’est une manœuvre politique ! Le message qui nous est donné est clair : « Laissez-vous maltraiter et ne vous plaignez pas ! ». Il ne s’agirait pas que le monde du handicap se révolte, n’est-ce pas ? Donc effectivement, je dérange, mais je pense que je vais déranger encore un moment…

Aidant attitude : Vous vous battez pour plus d’accessibilité. Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux problèmes à l’échelle du pays ?
Odile Maurin :  La France produit des lois qu’elle ne respecte pas… Depuis 1975. Ainsi, les problèmes demeurent. Au niveau du logement, par exemple, les personnes handicapées ont juste le droit de se loger, mais il est quasi impossible de rendre visite à des amis dans des immeubles sans ascenseur ou parfois le fauteuil ne passe même pas la porte. Pour les transports, c’est la même chose : le métro est inaccessible aux personnes handicapées dans de nombreuses villes et la chaîne de déplacement n’est pas respectée. Comme nous venons de le voir, les tribunaux ne sont pas adaptés. Dans de nombreuses situations, la voirie est dangereuse avec des trottoirs trop étroits. Et au niveau de l’accès à l’emploi et pour la vie quotidienne, c’est encore compliqué… Les Français ont découvert les effets néfastes du confinement mais pourtant c’est ce que vivent beaucoup de personnes handicapées, et bien avant le Covid. Bref, on nous poursuit pour entrave alors que c’est nous qui chaque jour, sommes entravés…

Propos recueillis par Sandrine Youknovski

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