A l’aube des nouvelles élections présidentielles, Serge Guérin, sociologue, auteur, professeur et Directeur Scientifique du pôle Santé-RH à l‘INSEEC fait le point sur la situation des aidants et sur les mesures qui devraient être mises en place afin de faire face à l’augmentation croissante du nombre de personnes âgées. Des mesures dont devraient s’inspirer les futurs candidats…
Aidant attitude : Pouvez-vous nous dressez un état des lieux de la situation des aidants aujourd’hui ?
Serge Guérin: La problématique des aidants est très largement liée à celle du vieillissement. Cette question constitue l’un des enjeux majeurs de notre société car la hausse du nombre de personnes âgées de plus de 80 ans, à laquelle nous assistons depuis plus de 20 ans, va atteindre une accélération à partir de 2026 pour se poursuivre pendant 20 à 30 ans suite aux effets du baby-boom. Les aidants risquent de se retrouver encore plus fragilisés qu’ils ne le sont.. Leur situation s’inscrit donc au cœur du prochain quinquennat. Il va de soi que l’augmentation du nombre de personnes âgées va de pair avec celle des aidants et il est impossible de demander à ces derniers de tout faire. C’est pourquoi, il devient encore plus indispensable de les soutenir. L’enjeu c’est de renforcer en nombre et en formation, les professionnels du care qui doivent prendre le relais des aidants. Il faut valoriser ces métiers, former du personnel et augmenter les salaires afin de donner envie aux jeunes et au moins jeunes de se tourner vers ce type de profession.
Le second enjeu est celui de la prévention : plus on aide les personnes âgées à rester en bonne santé et plus on réduit le nombre de situation de fragilité. Les actions de prévention sont multiples, elles peuvent porter sur la qualité de l’alimentation, le développement des médecines complémentaires, le soutien psychologique ou encore sur l’aménagement des logements, en particulier en termes d’économies d’énergie et de diminution des risques de chute.
Par ailleurs, la question sociale ne doit pas être négligée car elle va permettre aux aidants comme aux aidés de lutter contre l’isolement.
Aidant attitude : La situation des aidants a-t-elle évoluée ces dernières années ?
Serge Guérin: la situation des aidants progresse lentement. Les aidants en activité professionnelle bénéficient depuis peu d’une meilleure indemnisation. Par ailleurs, le vote en 2020 de la cinquième branche, dédiée à soutenir les dépenses liées à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, doit permettre de mobiliser davantage de fonds pour l’emploi des professionnels du secteur, pour le répit des aidants ou encore pour le développement de solutions d’accueil. Encore faut-il que le niveau des financements soit à la hauteur.
Aidant attitude : Quelles sont, selon vous, les mesures les plus urgentes à adopter ?
Serge Guérin : Les problématiques que nous venons d’aborder font parties des éléments à mettre en œuvre rapidement. S’ajoutent les sujets des retraites, de l’emploi des seniors, du soutien aux aidants au sein des entreprises, des politiques de prévention et de QVT… Moins les gens seront abîmés par le travail et plus ils seront en mesure de travailler et de vivre en meilleure santé. Il est également nécessaire de faire évoluer l’image du vieillissement si l’on veut favoriser l’ activité des seniors et recruter dans le secteur des personnes âgées. Pour changer les choses, la montée en âge ne doit plus être associée à la dégradation de la personne mais à l’acquisition d’une expérience et de compétences, y compris sociales, utiles à tous.
Aidant attitude : Le Covid a-t-il donné lieu à des changements sur la prise en compte du vieillissement ?
Serge Guérin : La crise du Covid a eu un double effet. L’effet négatif a été d’infantiliser des personnes de plus de 65 ans et de les considérer trop souvent comme des êtres fragiles, ce qui est tout à fait hors de la réalité. L’effet positif a permis, en revanche, le développement d’une solidarité intergénérationnelle de proximité au profit des personnes les plus sensibles. Les métiers des services à la personne et du soin ont connu également une valorisation salutaire de la part de la société. Mais l’effort doit se poursuivre de manière plus concrète . Les réformes à venir doivent être décidées en accord avec les personnes âgées, avec les aidants et avec les professionnels du care. Elles doivent convenir à leurs attentes et leurs usages doivent rester adaptés et accessibles. Et surtout, la prévention doit être au cœur de nos démarches.
Propos recueillis par Sandrine Youknovski
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