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« Etre un aidant est une expérience difficile et riche. C’est sa singularité qui explique que les aidants sont rarement dans la plainte. » Serge Guérin* est sociologue, spécialiste des théories du care** et admiratif de les voir en action sur le terrain. « Vous rendez-vous compte que 18% des aidants aident une personne alors que rien ne les y oblige !»

Entretien et coup de chapeau aux aidants. Deuxième partie

Pensez-vous que les pouvoirs publiques ont pris conscience du défit majeur, financier et humain, que représente la prise en charge de la dépendance ?

Je n’aime pas beaucoup ce terme de dépendance. Nous sommes tous interdépendants les uns des autres du premier au dernier jour. Sur le vieillissement de la population et son poids sur nos dépenses de santé, n’oublions pas que 70% des plus de 85 ans sont globalement autonomes. En revanche, on voit une forte augmentation des maladies chroniques et ces maladies touchent toutes les catégories d’âge  ; il faudra développer des centres d’accueil pour jeunes Alzheimer par exemple. Ces maladies chroniques représentent 83% des dépenses de santé. Leur développement est alarmant. Maintenant, est-ce que le discours politique a pris la mesure de l’importance des aidants dans l’accompagnement des personnes devenues plus dépendantes des autres ? Non. Et si l’on voulait chiffrer ce que représente le travail d’accompagnement des quelques 8 à 10 millions d’aidants informels de proche (toute situation confondue), c’est plus de 160 milliards dont nous parlerions. Une contribution sociale vitale à l’équilibre économique et humain de notre pays.

Que faudrait-il faire pour reconnaître les aidants actifs en entreprises ?

C’est dans l’intérêt même des entreprises de prendre en compte leurs salariés aidants. 46% des aidants exercent une activité professionnelle et ce pourcentage ne va pas diminuant avec l’augmentation des maladies chroniques. Le coût direct de leur absentéisme au travail a été évalué à 350 millions €. Sans compter les effets sur l’activité et l’implication, sans compter les effets sur le collectif. L’impact est tel que cela touche à l’organisation de l’entreprise. Pour autant, les aidants ne souhaitent pas nécessairement arrêter leur activité professionnelle, mais qu’elle puisse être mieux adaptée à l’évolution de l’état de leur proche. Vouloir poursuivre une activité, c’est une façon de conserver un appel d’air et aussi affirmer une identité qui ne se résume pas à l’identité d’aidant. Même au sein de l’entreprise, je ne pense pas que les aidants souhaitent être enfermés dans un statut. En revanche, l’entreprise a tout intérêt à les accompagner avec une plus grande souplesse dans l’aménagement de leur temps de travail, dans une offre d’aides et de soutien, mais aussi dans la mise en place d’un site dédié qui soit mutualisé et qui préserve leur anonymat si besoin. L’entreprise peut aussi voir cette réalité comme une opportunité  en valorisant et en mobilisant les richesses des aidants. Ce sont des personnes qui développent des qualités humaines  et une capacité d’adaptation au changement. Vu comme des personnes ressources, ils feraient d’excellents formateurs ou médiateurs mais aussi de bons interlocuteurs dans la gestion du changement. Il y a une réflexion à mener sur le bénéfice d’une validation des acquis d’expérience des aidants.

Aimez-vous ce terme d’aidant ?

Avons-nous mieux à proposer  ? Le bienveillant de proche, l’accompagnant, le soutenant  ? Le terme a le mérite de commencer à faire son chemin dans l’espace public et il est grand temps.

Que gagne-t-on à être aidant  ?

La satisfaction du don de soi. C’est une rémunération symbolique qui a de la valeur. J’ai souvent entendu des aidants témoigner de la qualité de relation qu’ils avaient pu établir avec leurs proches, une relation nouvelle et plus profonde. Je crois aussi que, malgré la difficulté d’être aidant, la lourdeur de la responsabilité et les incertitudes, on y gagne la connaissance et l’estime de soi.

Si vous aviez un message à faire passer aux aidants, lequel serait-il  ?

Je leur dirais bravo et merci  ! Bravo d’assumer un rôle difficile, bravo pour leur bienveillance et leur vaillance, et merci pour leur apport incroyable  ! Les aidants c’est le care au quotidien.

Propos recueillis par Nathalie Cuvelier

Lire la première partie de l’entretien

* Dernier ouvrage « La nouvelle société des seniors »
** Issu du mouvement féministe américain, le care vient d’une réalité observée : les métiers et les actions de soin à l’autre sont peu valorisées, peu visibles et majoritairement réalisées par des femmes. Il s’agit donc de valoriser et mieux rémunérer celles et ceux qui font du care et affirmer que le soin et l’accompagnement de l’autre sont les valeurs qui permettent une société durable.

2 commentaires

  1. J.Jalabert 31 mai 2013 à 12 h 27 min - Reply

    Bonjours,
    Personnellement je viens de perdre ma Mère que j’ai porté a boue de bras pendant 5 ans, jours et nuit
    Je ne dis pas merci a cette société,
    Aujourd’hui ce n’est pas la tristesse qui m’anime elle est délivrée, elle ne souffre plus.
    Ce qui m’anime c’est la colère et un profond dégout de ce que cette société est devenu!.
    Et je ne suis malheureusement pas le seul parent aidant a finir dans cet état.

  2. Stéphane 15 mars 2015 à 11 h 53 min - Reply

    L’aidant est un acteur important du dispositif de maintien à domicile. La reconnaissance de ce statut par la collectivité est nécessaire. C’est une première étape qui ouvre la voie aux initiatives de soutien, mais elle ne suffit pas. Il demeure en effet primordial pour l’aidant de se reconnaitre dans son rôle, facilitant ainsi l’expression de ses besoins. Les professionnels du domaine médicosocial doivent aussi considérer l’aidant en tant que partenaire pour l’intégrer dans la prise en charge de la personne aidée.

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