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A 87 ans, Marie-Laure est fidèle au poste, un peu moins active mais présente et à l’écoute comme ce matin au milieu d’un groupe de paroles* ouvert aux proches de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer. Sa propre histoire avec la maladie remonte aux années 70, quand la peur et la honte étaient les principales réponses à une méconnaissance de la maladie. Témoignage…

« Marie-Laure, à partir de maintenant, nous serons deux pour nous occuper de lui… » Marie-Laure se souvient de cette phrase comme si elle l’avait entendue hier… Prononcée par le médecin de famille, ami de longue date de l’époux, elle a marqué le début d’une histoire à la fois douloureuse et marquée par un engagement sans faille pour faire connaître une maladie dont on ne disait pas le nom à l’époque. Son mari n’avait que 55 ans…
« Notre médecin m’a parlé de perte de neurones. Je ne voulais pas comprendre mais cela me faisait du bien de savoir qu’une autre personne remarquait ce que moi aussi je commençais à percevoir sans en parler bien sûr. » Peu de temps après, au cours d’un voyage, son époux est gentiment reconduit à son hôtel après s’être égaré dans la ville. « J’étais bien obligé de constater que cela n’allait pas mais je ne l’admettais pas. J’étais dans le déni, comme tant de proches au tout début de leur confrontation avec la maladie… »

Un mur d’incompréhension

« Il a fallu que j’assiste à une conférence du professeur Petit sur l’allongement de la vie et qu’il aborde ce qu’on ne devait toujours pas appeler Alzheimer pour que je me dise : « c’est ce que je vis au quotidien ! »… J’ai été le voir à la fin de la conférence : enfin, j’étais prête à affronter la réalité de la maladie. » Marie-Laure a mis cinq bonnes années à admettre la gravité de la situation mais, avec le recul, en se remémorant le climat de l’époque, elle se demande ce qu’elle aurait pu faire, de toute façon. « Si j’en parlais, il y avait un mur d’incompréhension… J’ai même le souvenir très vif d’une femme médecin me riant au nez, trouvant trop drôles les excentricités de mon époux. C’était probablement pour dissimuler son ignorance… Je pense qu’à cette époque je n’attendais rien en termes d’aide. Des amis se sont écartés et d’autres ont joué fidèlement au bridge avec mon époux jusqu’au bout. Vous imaginez bien qu’ils jouaient le jeu ! C’était chic.»

Ne voir de lui que le meilleur

Les années passant, l’état de son époux s’est aggravé. « Il a commencé par me demander de prendre le volant pour les rendez-vous de clientèle. S’il tenait à prendre le volant, j’étais paniquée… Mais quand nous avions du monde autour de nous, il faisait un effort sur lui-même, dissimulant le mieux qu’il pouvait son état. Les enfants, je pense, ne voulaient voir de lui que ces moments là…»

L’histoire de Marie-Laure ressemble ensuite à celle de beaucoup d’aidants. Vaincue par la fatigue nerveuse, elle a laissé ses enfants prendre en main le cours des choses. C’est en Belgique où la connaissance de la maladie était meilleure, qu’une structure d’accueil a été trouvée.

La peur et la honte prédominent encore

« Avec le recul, je me suis souvent dit que les médecins devaient avoir un terrible sentiment d’impuissance à l’époque. L’information est arrivée des Etats-Unis grâce en France au Docteur Micas de Toulouse. C’est à peu près à ce moment là que mon époux est décédé. Nous étions à la fin des années 80 et je savais qu’il fallait que je participe à faire mieux connaître la maladie. Je me suis rapproché du médecin gériatre Jean Petitpré et nous avons crée une première petite équipe sur Douai. » En 2007, Marie-Laure a reçu la Légion d’Honneur pour son engagement au sein de France Alzheimer Nord. A la question « que représente cet engagement pour vous ? », Marie-Laure sourit, « tout » dit-elle avec timidité. « Il y a encore tant à faire. La peur et la honte prédominent encore. L’ignorance de certains médecins aujourd’hui me révolte. C’est parfois décourageant de voir combien les évolutions sont lentes. Une personne qui a du mal à marcher, on va l’aider assez naturellement. Une personne qui ne va pas bien dans sa tête, on va plus souvent s’en écarter. Alors, si je peux encore être utile à 87 ans… »

*L’antenne de Douai de FRANCE ALZHEIMER NORD organise une fois par mois ce groupe de paroles en présence d’un psychologue. Tél : 03 27 80 65 08.

FRANCE ALZHEIMER (numéro d’appel unique) : 0 811 112 112

Il n’y a pas de bonheur à être ignorant

« Mon mari est atteint de la maladie d’Alzheimer. Peut-être n’en avez-vous jamais entendu parler ? Cela a commencé sournoisement par des pertes de mémoire insignifiantes… Actuellement, il cherche les rues dans la ville où nous habitons depuis 30 ans…

Lui, si gai, devient dépressif. Une agressivité de plus en plus forte nous coupe de notre entourage. Il ne veut plus aller chez nos enfants, se perd dans leurs maisons…

J’ai découvert que ce n’est pas le bonheur d’être ignorant alors que l’on voudrait aider quelqu’un que l’on aime et qu’il est en train de mourir de quelque chose que vous ne comprenez pas… »

Extraits d’une lettre écrite en 1988 par Marie-Laure

Article rédigé par Nathalie CUVELIER, Webinage

3 commentaires

  1. laurence 15 octobre 2012 à 13 h 17 min - Reply

    superbe article Nathalie !!!
    Beaucoup de progrés ont ete fait pour cette maladie , et des personnes comme marie Laure qui témoignent aident beaucoup les familles qui y sont confrontées . Il faut continuer à en parler !!!
    Merci Nathalie

  2. Christine 15 octobre 2012 à 16 h 02 min - Reply

    en lisant ce témoignage, je me dis que nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir mettre un nom sur cette maladie: mais il reste tant à faire pour ces malades et leur famille!
    merci Nathalie

  3. Nicolas 16 octobre 2012 à 9 h 03 min - Reply

    Très beau témoignage qui une fois de plus démontre le rôle irremplaçable et magnifique des aidants. Il nous faut aider les aidants, les encourager, parfois les soulager, parfois simplement leur offrir une présence silencieuse et respectueuse mais jamais les juger.

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