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« Ce n’est pas la trisomie 21 qui est arrivée dans notre famille avec Maïté, c’est Maïté qui est arrivée avec un chromosome en plus. » Maïté a deux ans, des frères et sœurs entre 11 et 18 ans, un sourire à soulever les montagnes et de petits yeux en amande. Anita, sa maman, revient sur le moment de l’annonce et nous parle de Maïté qui porte une anomalie de la nature mais aussi beaucoup d’amour…

Anita, Jean et leurs quatre enfants vivaient à Vienne quand la petite dernière est née, attendue de tous. « Quand la sage-femme l’a posée sur moi, j’ai eu tout de suite l’intuition de sa différence. Dans un éclair, j’ai pensé : « voilà ce qui nous est demandé de vivre maintenant». Je revois la sage femme prendre Maïté et dire « mais non… ». Et quelques heures après « peut-être ». Moi, je savais. » Anita a dû convaincre le corps médical de son intuition et, avec le recul, elle en est soulagée. « Je n’ai jamais subi une annonce. Nous n’avions eu aucun signe pendant la grossesse. Je ne souhaitais pas faire de test de dépistage. L’indice de clarté nucale était normal. Dans la mesure où savoir n’aurait rien changé à ma décision de garder l’enfant, j’ai eu de la chance d’avoir une grossesse joyeuse. La famille s’est préparée à accueillir un heureux événement. Et nous avons d’abord accueilli Maïté pour elle-même puis la réalité de ce chromosome en plus… »

Petite sœur avant tout

La trisomie a été confirmée deux semaines après la naissance. Sans nouvelle, Anita a eu le courage d’appeler le médecin pour s’entendre dire d’une manière surréaliste « C’est positif, je suis en consultation, je vous rappelle »… Ce qu’il n’a jamais fait. Par chance, une amie a orienté la famille vers une pédiatre spécialiste de la trisomie et parlant le français. « J’étais soulagée à l’idée de parler dans ma langue maternelle et de pouvoir exprimer correctement mes sentiments, forcément confus. Jusqu’au rendez-vous avec cette spécialiste, je savais mais, paradoxalement, je nourrissais l’espoir qu’ils se soient trompés de numéro de dossier. Quand la pédiatre a confirmé mon intuition, j’ai eu le cœur fendu. On a tous pleuré autour de la table ce soir là, un des enfants a dit cette phrase : « J’aurais préféré qu’elle soit normale mais c’est ma petite sœur »… Le couple s’est endormi ce même soir avec la peur de ne pas être à la hauteur et de ne pas avoir assez de force et d’énergie.

Au jour le jour

L’exemple et le soutien donnés par leurs proches ont été providentiels. « Ils nous avaient déjà préparé le cœur par leur exemple ; mon frère a une fille porteuse d’un handicap très lourd et mon père accompagne maman qui est atteinte de la maladie d’Alzheimer. C’est lui qui m’a dit cette phrase que je me répète depuis le plus souvent possible : « Si je commence à me demander si je vais partir avant ta maman, je ne vis plus. Si je me discipline pour penser au jour le jour, je tiens le coup ». La pédiatre m’a elle aussi soulagée de mes peurs : « Est-ce que vous vous êtes ainsi projetée pour vos autres enfants, essayant de deviner avant l’heure ce qu’ils allaient devenir ? Il n’y a pas deux personnes ayant une trisomie identiques. Tout est possible. Maïté est une enfant unique qui a un parcours unique devant elle. » Anita ouvre une chemise dans laquelle toutes les lettres reçues à cette époque sont conservées. « Beaucoup nous disent qu’elle a de la chance d’être née dans notre famille ; d’autres vont jusqu’à dire que c’est un cadeau du ciel… Là, j’avoue que c’est aller un peu loin car, ce chromosome en plus, c’est avant tout Maïté qui va devoir le porter… Et cela me rappelle un autre souvenir : quand je prenais le tram à Vienne avec Maïté dans mes bras, je me demandais si les autres voyaient… Un jour un mendiant est venu vers nous deux et a dit à Maïté « tu vas avoir une vie de princesse ! ». Je me suis longtemps demandée ce qu’il voulait dire et s’il avait vu la trisomie de Maïté ?… » Ce mendiant avait-il senti l’amour qui seul peut ouvrir un avenir de possibilités ? Etait-il, lui, seul et sans amour, perdu pour la vie ?

Mais alors tout est possible

« Tant de phrases amicales nous ont fait avancer ! J’ai été en revanche blessée par certains regards médicaux qui transposent des schémas type. Ceux qui m’orientent vers un seul chemin possible me détournent des mille autres chemins de traverse ! Maïté a deux ans et je ne veux pas qu’on me parle déjà d’IME ! Cela revient à me couper les ailes ! Des paroles comme « elle sait faire ça, c’est bien » me gênent aussi car elles impliquent qu’on ne la croit pas capable. En tant que parent, j’ai besoin de perspectives. Je n’ai pas envie que l’on me dise ce que je dois faire. J’ai confiance sur le fait que nous allons trouver, en temps voulu, ce qui convient à Maïté, l’aider à tracer « son » parcours. » Anita reconnaît que c’est dans sa nature de se laisser porter par son intuition. Mais avec Maïté, elle se sent moins autorisée à le faire. « On est dans une société de l’agir où la consigne est de « maximiser » les chances. Maïté ne fait pas de kiné, pas d’orthophonie pour le moment… En revanche, le makaton*, cela me paraît avoir du sens. » Vous l’aurez compris, Anita est de ces personnes qui aiment les belles histoires, celles qui ouvrent des fenêtres. « Quand on m’a parlé à Vienne de l’histoire magnifique d’un orchestre d’enfants trisomiques, j’étais enthousiasmée : « mais alors… tout est possible » me suis-je dit ! » Maïté n’a que deux ans et malgré son bel optimisme Anita sait que le chemin sera chaotique. Elle profite de chaque chose positive vécue au jour le jour.

Un point apaisant

« La notion de temps est si différente avec Maïté : chaque progrès se fait attendre plus longtemps, puis s’installe peu à peu avant de s’imposer et d’être apprécié à sa juste valeur ! Avec les autres enfants, tout allait si vite que les étapes se brouillaient et les avancées étaient facilement prises pour un dû ! J’ai aussi redécouvert mes enfants, leur intelligence et leur richesse de cœur ! Je veille à ce que leur relation à Maïté ne soit pas dictée par le devoir ou le sens moral. Je veux qu’ils viennent vers elle spontanément. Et ils le font car elle est un point apaisant. Quand les frères et sœurs se disputent, il suffit que Maïté sourie pour que toute chamaillerie soit désamorcée… J’ai remarqué qu’avec les autres adultes, le rapport change : il n’y a pas que du recul, de l’incompréhension, ou de la désolation. Il y a en fait plus souvent autre chose : beaucoup se confient tout à coup car ils ont davantage confiance en quelqu’un qui a aussi son lot de difficultés ! Maïté est comme une clé qui me permet d’entrer dans un nouveau monde, jusque là inconnu… Maïté arrive à sortir les gens d’eux mêmes.» Un an après la naissance de Maïté, la famille a vécu une autre annonce, celle du chômage. « Le chômage est bien plus dur pour le moment pour la famille que la trisomie de Maïté. On l’a subit, brutalement, et on continue à le subir un an après. On n’est pas acteur de la crise économique, on l’est du devenir de Maïté »…

Entre Maïté et le mendiant de Vienne, les différences sont un chromosome en plus et l’amour en moins… Lequel des deux a le plus de chance dans le domaine des possibles ? Lequel des deux porte le plus grand handicap ? Qu’est-ce qui, dans le regard de Maïté, ou son sourire, a fasciné le mendiant ? Sa fragilité ?

*Mode de communication associant la parole, les signes et/ou les pictogrammes.

Propos recueillis par Nathalie Cuvelier, Webinage

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